Groupe de recherche08/02/09 - Adeline
Séance de travail du 8 février 2009 – Groupe d'étude
du Joli Collectif/année 1
Deuxième séquence de lecture de
« Petit organon pour le théâtre » de Bertolt
Brecht
Compte-rendu de notes prises sur les réflexions que nous avons entamées pour entendre le texte de Brecht. Noter que ce groupe de travail se constitue d'un collectif de personnes adhérant à la Compagnie et qu'il se fait sans que l'un d'entre nous ne soit qualifié ni ne soit désigné pour garantir la validité de nos interprétations du texte de l'auteur.
Lecture
du Point 3.
N'y a
t-il pas une sorte de paradoxe ici? Il n'existe peut-être pas de théâtre où
l'on réfléchit davantage que dans celui de Brecht, rien qui ne fasse plus appel
à une analyse, à une acuité, une vigilance que le sien. Et pourtant il ramène
avec une grande vigueur sa revendication concernant le caractère superflu, le
caractère divertissant de son théâtre : il s'agit bien de réjouissance pour les
sens.
A quoi
oppose t-il le divertissement? Ici, à la morale, à l'enseignement.
« Rien
de plus utile que la jouissance de se mouvoir, sur le plan physique ou
intellectuel » : Brecht parle de façon rhétorique de cette base que cette
caractéristique constitue.
Cf
« Il n'y a rien de plus inutile que le théâtre, c'est pour cela que l'on
doit le faire à la perfection », B.-M. Koltès.
Point
4.
Brecht
remet le théâtre d'Aristote à sa place de divertissement également, et le
dégage de l'idée haute selon laquelle il aurait pour fin de purger des passions
par le fait d'éprouver de la crainte et de la pitié ; idée avec laquelle
Aristote justifie de l'existence et du dessein de son théâtre. Brecht
requalifie la catharsis de réjouissance. Il requalifie également l'idée haute
que se faisait lui-même de lui-même le théâtre du mystère (ou mistère) de
divertissement, en rappelant ici aussi que ce qu'il s'y passe n'est ni plus ni
moins qu'une réjouissance pour les sens et qu'il n'est nul besoin de lui
attribuer d'autres vertus ou d'autres fonctions.
Selon
l' « Histoire du théâtre illustré » d'André Degaine, un mystère, ou
mistère,
l Au 15° et au 16°, est un spectacle ; ça vient de
« ministère », service public, destiné à offrir l'enseignement de
l'histoire sainte par le divertissement. Il ne provenait pas de l'Eglise. Il
reflète l'art gothique, l'Ancien et le Nouveau Testament.
l Il s'agit d'une représentation médiévale où une
collectivité se donne à elle-même en spectacle les mythes religieux qui font sa
cohésion. Il y a donc une visée de lien social.
l Mystère de la Passion, mystère, par exemple, juxtaposant la
blague triviale et la théologie raffinée. La Passion est le déroulement de
l'histoire du Christ comme un gigantesque livre d'images mis sur une scène.
Mais au
fait, quelle est la fonction du cultuel pour le lien social? Il comporte un
aspect de visée prosélyte, il s'agit d'un hommage rendu à Dieu, le culte est la
cérémonie et les pratiques par lesquelles on rend cet hommage ; il importe
qu'il y ait un caractère de répétition
pour rendre actuelles figures qu'il convoque, pour les faire exister ici et
maintenant.
Brecht
dit que le théâtre ne garde rien du cultuel. L'histoire dit qu'il en est issu ;
le théâtre a été amené par la religion chrétienne.
Point
5 et 6
Il n'y
a pas d'art sérieux et d'art de divertissement, mais il y a des modes de traitement
des sujets qui subliment, et d'autres qu'on qualifie par le genre
« grotesque ». Shakespeare par exemple, fait exister un théâtre
réunissant les deux : il traite d'idées élevées en en faisant un traitement
accessible. Il mélange tout cela dans ses pièces, il entremêle plusieurs
histoires en même temps, il mélange les registres de langues.
Point
7.
Il
existe des modes de réjouissance différents selon la manière dont les hommes
vivaient ensemble dans la société. La façon de se divertir et de prendre du
plaisir des hommes suit la structure de lien social dans laquelle ils sont
pris; le théâtre a évolué en fonction de cela.
Point
8.
Il se
remarque comme un effet de reflet : il ne se fait pas le même type de théâtre
selon que l'on moque tel aspect ou tel autre du caractère dominant de telle
société ; on aménage des conditions particulières pour que le divertissement
ait lieu.
A
souligner : Brecht fait le constat que le théâtre, soit a vocation à, soit il
se trouve de fait qu'il le fait, moquer le caractère dominant propre d'une
société ou d'un type de lien social.
A
propos : depuis quoi pratique-t'on délibérément cette mise en abime des hommes
par les hommes, d'une société par les hommes qui la font ? Notre hypothèse :
depuis la Renaissance, depuis que l'homme est remis au centre du dispositif.
A
propos : dans les histoires du théâtre, on fait un saut entre la tragédie
grecque et le théâtre médiéval fin Moyen-Age puis on passe tout de suite au
théâtre élisabéthain... on ne dit rien de ce qu'il y a entre ces périodes.
Point
9.
Le
théâtre est un dispositif de représentation. L'inexactitude et
l'invraisemblance du rapport entre le représentant et le représenté n'empêche
pas le plaisir. Il n'y a pas besoin d'une symétrie parfaite entre le premier et
le second, d'une adéquation entre le traitement et ce qui est traité (le cinéma
est moins éloigné de ça, lui).
Le
théâtre est un art du réel. Si l'illusion est mal assumée, si cette dissymétrie
entre traité et traitement n'est pas assurée dans une création, que le metteur
en scène est hésitant entre la question du traitement à apporter, du parti à
prendre, et la question de la vraisemblance ou la peur de l'absence de
reconnaissance, cela produit des maladresses très lourdes pour le spectateur.